mardi 29 avril 2008

funny games

Interpellé par les interviews de Michael Haneke sur le remake qu'il a tiré de son propre film de 1997 (car destiné au public américain, gavé de violence à la télé, mais boudé par celui-ci car film européen), j'ai cherché à trouver l'original plutôt que de voir le dit remake. J'ai eu la chance de tomber dessus à la Médiathèque, en déstockage...

Ais-je vraiment eu de la chance?

Un famille allemande aisée (le mari, la femme et leur petit garçon) emménagent pour les vacances dans une luxueuse villa au bord d'un lac. Deux jeunes gens de la haute portant des gants blancs viennent leur demander des oeufs. Ils s'incrustent tout doucement et, au moment où le père leur demande sortir, l'un des "invités" fracasse le genou de celui-ci avec un club de golf. Avec un calme olympien, l'un des jeunes expose le pari: dans 12 heures, ils seront morts et eux vivants.

Durant près de deux heures, j'ai vécu un cauchemar cinématographique alors qu'Haneke ne montre rien des tortures physiques, psychologiques et finalement du triple homicide qui va se commettre. Rien! Pas une image...mais du son! Des plans insupportablement longs d'un des tortionnaires se préparant un sandwich dans la cuisine tandis que dans le salon retentit un coup de feu suivi de cris; ceux d'une femme forcée à se déshabiller devant tous pour éviter que son fils, taie d'oreiller sur la tête, ne soit étouffé... Plus de trois minutes pour se déshabiller, avec de simples plans sur les visages, pas un espace de nudité à l'écran,... Aucun cut: toutce que subit cette famille est filmé en temps réel; les seules éllypses sont pour les plans extérieurs afin que passent les dites 12 heures du "pari".

Les criminels voient ça tour à tour comme un jeu, comme une discussion sur le thème de la vie et de la mort, comme un simple amusement, comme une échapatoire à leur petite vie de riches bourgeois étriquée... Ils nous prennent plusieurs fois à témoin, du début à la fin du métrage, en nous demandant, face à la caméra, nos avis sur le pari, nos impressions... La dernière image est d'ailleurs pour nous: un petit air de défi et de satisfaction, une petite oeillade complice l'air de dire "on recommence? vous en voulez encore?".

Aucun espoir pour cette famille dès le début; une fabuleuse scène nous faisant espérer un semblant de happy end (il y a déjà un mort lors de cette scène), typique aux films américains où l'on massacre 300 "terroristes" pour sauver la gentille petite fille blanche et catholique, subit un rembobinement type VHS et recommence, nous montrant que les tueurs ont le dessus.

Jamais, je dis bien jamais, un film ne m'a frappé à ce point. J'en ai pourtant vu des milliers, et pas toujours des plus optimistes. Mais là... ce coup de poing, porté par un casting absolulment fabuleux et à la fois horriblement détestable en partie (je les hais, ces deux gars! Une haine viscérale!), je ne l'oublierai jamais.

Un film que toute personne qui ne bouge plus devant les horreurs du JT et des films de fiction doit voir, mais que je ne voudrai pourtant moi-même plus jamais revoir. Je le conseille à tous (à partir de 18 ans, si pas plus!), mais je ne veux plus jamais revoir les visages de cette famille et de ces deux monstres tellement vrais, tellement humains. Je n'irai pas voir le remake et je conseille à tout amateur de voir le film de 1997, dans sa version originale allemande.

A l'heure ou nous avalons dans l'actualité une violence peu commune, à l'heure de cette fascination morbide qu'a la masse pour les tueurs en série, à l'heure où la violence des films d'horreur revient à celle des années 70, ... Ce film, rappelant que la violence est tout sauf un divertissement, est tout simplement l'une des oeuvres majeures de l'histoire du cinéma!

Je suis persuadé que "funny games" rejoindra le panthéon des films universellement reconnu et siègera aux côtés de "freaks", "orange mécanique", "la nuit du chasseur" et autres oeuvres immortelles traitant de la violence de nos sociétés.