samedi 10 mai 2008

Un plan simple

Sorti en 1998, ce film adapté d'un roman est un peu l'oublié des réalisations de Sam Raimi ("Evil Dead I, II, III; Darkman, Spider-man 1, 2, 3, ...") alors qu'il a remporté le Prix Spécial du Jury au célèbre Festival du Film Policier de Cognac en 1999.

Alors qu'ils retournent chez eux, trois hommes dont deux frères (Bill Paxton "Apollo 13, Terminator, Titanic, Twister" et Billy Bob Thornton "Armageddon, Primary Colors") découvrent en pleine forêt l'épave d'un petit avion. Dans celle-ci, le cadavre du pilote à moitié bouffé par les corbeaux, mais surtout un sac contenant 4 millions quatre cents mille dollars. Comme le groupe est composé de deux chômeurs et d'un comptable payé des clopinnettes, ils décident de garder l'argent; c'est le comptable, campé par Bill Paxton, qui garde le magot durant trois mois et le redistribuera si personne n'enquête sur celui-ci.
Commence alors un véritable jeu de trahison, de méfiance et de paranoia dont aucun ne sortira indemne, l'épouse enceinte du comptable (Bridget Fonda, "Jackie Brown, Jeune fille cherche appartement, Singles, Nom de code Nina") agravant les choses pour protéger sa famille au détriment de n'importe quelle autre personne.

"Jusqu'où iriez-vous pour garder un tel magot?", telle est la question lancée par Sam Raimi qui s'interroge sur le fait de risquer une vie de famille bien tranquille pour une forte somme d'argent manifestement sale. Le film (deux heures quand même) ne repose sur aucun effet, n'abuse de longs plans silencieux; il place simplement quelques personnes face à une situation qui leur échappe de plus en plus, décrite au travers de fabuleux dialogues. Le casting est absolument brillant, mais Billy Bob Thornton se surpasse dans le rôle de Jacob, personnage candide à la limite de l'innocence qui se raccroche à son enfance perdue. Il n'est pas exagéré de dire qu'une grande partie de l'intrigue repose sur ce personnage simple, voyant le bien partout et allant de désillusion en désillusion, principalement en observant les actes de son frère et de sa belle-soeur qui se transforment tout deux en véritables psychopates.

Ce thème de riquer sa peau et celle de sa famille pour des liasses de pognon sera repris plus tard par Cormac MacCarthy dans son fabuleux roman de 2005 "No country for old man", adapté brillammant au cinéma par les frères Cohen en 2008 (frères qui ont coécrits 20 ans plus tôt "Mort sur le grill" avec...Sam Raimi). Un grand romancier aurait-il pu être influencé par un grand cinéaste? Ce n'est pas impossible..

Ce film est une preuve supplémentaire que Raimi ne fut découvert que sur le tard par les gros studios hollywoodiens; il avait déjà une réputation (méritée) de réalisateur talentueux (voir culte) dans les milieux indépendants du cinéma, mais c'est la trilogie Spider-man qui le fera découvrir du grand public. La presse se targue alors de déclarer que cette trilogie est le chef d'oeuvre de Raimi... Quelle désinformation! Si on ne peut nier les qualités des Spider-man, ce ne sont jamais que des adaptations réussies de comic book, dotées de budget parmi les plus costaux de l'histoire du cinéma. Facile pour un réalisateur de la trempe de Raimi de réussir alors des blockbusters internationaux.
Mais quel mérite par rapport à un "Evil Dead" réalisé à la débrouille (film qui lancera la carrière de Bruce Campbell, acteur culte du cinéma de genre), par rapport au risque de réaliser "Darkman" à une époque où l'on ne veut que des héros optimistes, par rapport à ce fapuleux "Plan simple"?

Ceux qui ne connaissent de Raimi que les Spider-man doivent d'urgence se plonger dans la filmographie antérieure du réalisateur, disponible aujourd'hui grâce à ce support magique qu'est le DVD!