jeudi 29 mai 2008

L'exorciste, au commencement

La jeunesse du père Merrin, prêtre exorciste du classique de 1973: Merrin est hanté par l'horreur de la 2ème guerre mondiale et a perdu la foi. Nous sommes en 1949: Merrin est chargé par un collectionneur de retrouver sur un site archéologique Kényan un objet rare, une représentation du dieu Pazuzu, qui devrait se situer sous une église byzantine mise à jour par les fouilles. Arrivé sur place, son scepticisme fera place à un retour de foi lorsqu'il va être confronté à un authentique cas de possession.

Réalisé par Renny Harlin, ce film commandé par les studios est d'abord passé entre les mains de nombreux réalisateurs. Autant le dire tout de suite: c'est une bouse infâme, espèce de mixage et copier-coller de scènes qui ont fait le succès du film original.
Le père Merrin est interprété par Stellan Skarsgärd, excellent acteur habitué du cinéma de studio américain... Il livre ici le pire jeu d'acteur de sa carrière; à aucun moment il n'est crédible en prêtre ayant perdu la foi (il resemble plutôt à un mélange d'Indiana Jones de seconde zone et de père Fourras de fort boyard). Son retour vers Dieu se fait à une vitesse sidérante; les formules d'exorcisme employées pour chasser le démon (d'une pauvreté narrative qui laisse baba) fonctionnent en deux temps trois mouvements, en totale contradiction avec le combat des pères Merrin et Karras du film de 1973.

La personne possédée (je ne révèle pas le nom; gardons le "supense") garde étonnamment une très grande liberté de conscience et de mouvement (souvenons-nous du calvaire de la gamine de "L'Exorciste"), ne paraissant possédée que pour le dernier quart d'heure (débile) du film, où les stigmates apparaissent en quelques minutes à peine, figuré par un pâle maquillage honteusement pompé de la Regan du film original. Le démon se contente de proférer des insultes à conotations sexuelles pour lutter contre Merrin; on est très très loin de la confrontation psychologique vicieuse de Pazuzu face à Karras.
Les incohérences sont nombreuses:
- le début du film de 1973 montre un père Merrin, déjà très âgé, responsable de fouille au Kénya. C'est à ce moment qu'il découvre le site maudit. La version critiquée ici montre un père Merrin de tout au plus 40 ans.
- l'exorcisme en lui-même est réglé en une quinzaine de minutes montre en main; l'exorcisme pratiqué par deux prêtres, dont un spécialiste, dans la version de 1973, échoue lamentablement: le père Karras se sacrifie en se faisant posséder par le démon puis en se jetant par la fenêtre.

Les producteurs ont dû penser qu'il suffisait de placer une ou deux scènes "chocs", un maquillage pas joli et une petite scène de contortionnisme (les scènes de la tête à 360° et de l'"araignée" de Regan) pour retrouver l'ambiance proprement terrifiante de l'original.
Ils ont oublié qu'en 1973, il y avait: le roman de base de Blatty, véritable thriller horrifique; la réalisation de William Friedkin, véritable perfectionniste de l'image ne cédant aucune concession aux producteurs, exigeant de ses équipes une implication totale dans ses films; les interprétations sans faute d'Ellen Burstyn (vue récemment dans "Requiem for a dream"), de Max Von Sydow ("Le septième sceau, X-men, A nous la victoire",...) qui est un des plus grands acteurs tragiques de sa génération, de Jason Miller (le père Karras, très crédible dans son doute quant à l'existence de Dieu) et de Linda Blair, hallucinante gamine possédée.

Troquer un réalisateur comme Friedkin ("French connection, Cruising, Police fédérale Los Angeles, Le sang du châtiment, ...") contre un réalisateur de commande, troquer un roman excellent contre un scénario remanié dix fois pour échapper à la censure, troquer un casting prestigieux contre des acteurs pas trop inconnus et bankables, troquer la vision dun film d'auteur contre celle d'un blockbuster, ... Voici la recette miracle pour produire une bonne grosse bouse comme seul le cinéma américain peut en produire!

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